Publié le 19/03/2020

Interview de Matthieu Hacot

Un profil multi-casquettes de l'école !
Peux-tu te présenter brièvement ?
Je m’appelle Matthieu, j’ai 30 ans. Je fais de l’impro et un peu de théâtre.
Te souviens-tu de ta 1ère rencontre avec l'impro ?
En tant que spectateur, je devais avoir dans les onze ans...
C’était un match d’improvisation entre la Ligue de Marcq-en-Baroeul et une ligue Parisienne.
En tant que pratiquant, j’ai intégré des ateliers à Lyon donnés par le Collectif Lyonnais d’Artiste Polyvalents en 2013. Une association composée à l’époque d’étudiants en différents domaines artistiques : théâtre, cinéma, musique, audio-visuel…
La première fois que j’avais entendu parler d’impro était du coup assez lointaine quand j’ai commencé : je cherchais davantage une troupe de théâtre, mais comme je ne connaissais ni la ville ni de troupes Lyonnaises, j’ai sauté sur une opportunité : une camarade de la fac proposait à des gens d’intégrer ses ateliers, et de participer à des séances d’observation.
J’ai observé, puis j’ai participé !
C’est avec eux que j’ai joué pour la première fois un spectacle d’improvisation.
> C’est amusant, parce que quand je repense à mes premiers ateliers, je me souviens avoir fait toutes les erreurs possibles et imaginables en improvisation : inventer une histoire qui ne tient pas debout, raconter au lieu de faire, rester buté sur mon idée au lieu d’écouter le partenaire… et surtout : essayer de faire marrer l’auditoire avant tout !
Tu es actuellement élève et prof chez Impro Academy, racontes-nous ton aventure.
J’ai intégré les cours en 2017 dans le parcours Loisir avec Corentin Vigou. Je suis le parcours Compétence depuis 2018 avec Philippe Despature.
Le statut d’ « école » m’avait posé question : je considérais l’improvisation comme une pratique qui avait ses propres techniques, spécifiques et différentes de celles du théâtre. Donc je voulais prendre des cours comme on tente d’entrer dans une école nationale de théâtre. C’est un premier point qui me fait reconsidérer l’improvisation: c’est difficile de se dire si on a une double casquette de comédien et d’improvisateur, tellement les disciplines sont similaires. Ce n’est pas neuf que l’improvisation est une technique éprouvée du comédien, mais faire des spectacles d’improvisation comme des cabarets ou des matchs c’est autre chose. Donc j’ai voulu prendre des cours qui enseignaient ces spécificités-là. La différence entre des cours chez Impro Academy et les trainings au sein d’une troupe amateur, c’est que les objets et techniques sont davantage poussées, décortiquées. Mais la façon de faire reste la même : il faut tester sur scène, et si ça ne fonctionne pas on passe à autre chose.
C’est ce qui encourage la recherche quelque part : de nos jours, la majorité des formateurs disposent d’un socle commun d’exercices transmis à l’origine de manière orale, mais qui sont de nos jours de plus en plus archivés dans des bouquins et des sources internet. C’est là aussi que peut être le danger en impro : les spectacles d’improvisation sont extrêmement codifiés et les gammes d’exercices correspondent à des outils bien spécifiques pour travailler ces spectacles.
Mais il ne faut pas oublier que l’improvisation théâtrale (avec le match comme origine) est une discipline artistique encore très jeune qui date des années 80. Donc il y a encore beaucoup de choses à faire en terme de recherche pour rendre cette base d’exercices et de pratiques importante .
Et comme c’est une discipline accessible, c’est une discipline qui évolue très vite : on voit de plus en plus de livres s’écrire, de troupes se créer, et de concepts s’inventer. Quand on est élève, joueur et prof, il faut garder cette curiosité-là. Ce qui n’est pas forcément évident...
J ’ai écrit un mémoire sur l’organisation des ligues d’improvisation théâtrale dans les Hauts-de-France pour assouvir une curiosité personnelle, et j’avoue que c’est globalement ce qui me motive dans ma pratique de l’impro. Les recherches que j’effectuais en même temps que j’écrivais mon mémoire m’ont appris beaucoup de choses ; qui sont néanmoins connues des improvisateurs de longue date. Mais ça m’a permis de développer un point de vue sur la discipline.

Mais surtout, il faut essayer de continuer à apprendre, surtout si on est formateur : l’impro apprend à être curieux, observer, tester de choses, sortir de sa zone d’expérience. C’est aussi pour ça que j’essaie de jouer avec différentes troupes et différents joueurs. Il me semble aussi que c’est aux formateurs de montrer l’exemple et d’appliquer cette même méthode dans le contenu de leurs ateliers. La documentation, les exercices disponibles, sont partagés et utilisé par tous, donc ils fonctionnent. Et c’est donc une bonne chose de les utiliser comme socle. Mais, pour citer Alexandre Astier, il faut essayer de faire « un petit pas de plus ». Ce qui n’est pas évident, parce que le but c’est de préparer un spectacle qui fonctionne. C’est un drôle de paradoxe en improvisation théâtrale : le spectateur vient voir un comédien en travail, qui construit ses improvisations. Mais comme tout spectacle, il faut une certaine qualité et une certaine efficacité au rendez-vous.
Quel impact à l'impro dans ta vie de tous les jours?
Jamais le même, selon ce qui s’est passé sur scène ou en atelier.
La qualité indispensable d’un bon joueur d'après toi?
L’observation. Par définition, ça regroupe beaucoup de caractéristiques en improvisation au niveau de l’écoute et de la construction. Mais c’est aussi être capable de s’effacer quand il le faut. Une scène d’improvisation est un territoire vierge, et parfois on a tendance à vouloir le conquérir à tout prix...
Ton héros.ïne du quotidien ?
Toutes les personnes qui acceptent de se planter en prenant des risques et qui sont capables de se dire « cool, j’ai appris quelque chose aujourd’hui ».
Un rêve irréalisé ?
Je l’ai mise en pause parce que c’est un peu compliqué de prendre du recul et qu’il faut dégager le temps nécessaire, mais j’aimerais continuer la recherche universitaire en rédigeant une thèse. Pour ça, il faut réactiver ma curiosité. Mon but est d’enseigner : dans les facultés, on enseigne le théâtre sur de multiples plans théoriques… pourquoi pas l’improvisation théâtrale ?
Sources
@crédits photos Impro Academy
> propos recueillis en Février 2020.